Chapitre 18

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Une heure après la cérémonie, tous les participants, sauf Michael, se réunirent dans un nid secret. Le vacarme de la liesse avait cédé, dans cette aile reculée du palais d’Olympus, à un silence chargé de tension. Une lumière tamisée, rougeoyante, coulait des torches sacrées. Des sceaux de silence avaient été apposés aux portes.

Camaël siégeait au centre, les mains croisées, le visage impassible. Autour d’el, debout ou adossés aux murs, se tenaient Satanachia, Raphaël, Sparda, Brenna… et Nana, qui semblait, pour une fois, ne pas oser briser le silence.

— On l’a vu, dit enfin Sparda, brisant la tension d’un ton bourru. On savait que ça allait arriver. On l’a lancé, maintenant faut assumer.

Un souffle agité traversa la pièce.

— Lucifer, murmura Brenna, blême. El est bel et bien de retour.

— Est-ce qu’on en est sûr ? demanda Raphaël, les bras croisés, le regard sombre. Est-ce que c’est vraiment… el ? Ou ? Ou une fièvre de l’esprit ? Ce gamin a traversé l’Enfer.

Satanachia ne leva même pas les yeux.

♂ — C’est el, confirma-t-el. Après des millénaires d’essais infructueux, nous avons enfin réussit à le ramener à la vie. Bien qu’el ne soit pas complet, el es très conscient de qui el est et de ce qu’el veut.

— Mais Michael ne contient que Phosphoros, un de ses trois aspects. Où sont passés les deux autres ? demanda Raphaël.

♂ — Phosphoros le sait, révéla Satanachia. Mais el se garde bien de partager ces informations.

— J’imagine que tu as tes hypothèses, dit Brenna.

♂ — Oui. Mais je préfère les garder pour moi.

Nana, pâle, s’approcha d’el à pas lents.

— Alors… c’est vraiment là que mène ton Chemin rouge ? Tu le voulais, ce moment ?

♂ — Oui, répondit Satanachia avec une gravité étonnante. Il n’y a pas de retour possible, Nana. Il fallait que ça arrive. Et ça arrivera encore. L’un après l’autre, tous les masques tomberont.

— Et nous ? siffla Raphaël. Que sommes-nous censés faire ? Le suivre comme des moutons ? Comme un nouveau messie ? El a menacé la Création devant tout le royaume.

— El veut la purifier, pas l’annihiler, rétorqua Sparda. C’est pas la même chose. Même si la méthode pique un peu.

— El brûlera tout, s’il le faut ! rappela Raphaël.

— Peut-être, souffla Brenna. L’accomplissement du Grand Dessin, le retour d’EL, ne sera pas sans douleur.

— Et Michael dans tout ça ? demanda Raphaël.

— Michaël est encore là, affirma Brenna. Je l’ai vu trembler. Je l’ai vu douter. Ce n’est pas Lucifer qui m’a regardé. C’était Michaël…pour l’instant…

Dans le silence qui suivit, chacun comprit ce que la cérémonie venait d’ouvrir : un âge nouveau. Et Michaël n’était plus seulement un jeune Fitzarch prodige. El était devenu l’étincelle. Et peut-être, l’incendie.

Michael quant à el, se reposait dans sa suite princière, creusée au sommet du palais, dominant les veines incandescentes d’Olympus. El restait immobile, debout face à la baie de cristal, le regard perdu dans la vie brûlante de Madim. En bas, la fête continuait. Les chants résonnaient dans les galeries, les halos illuminaient les balcons. La liesse était partout. Mais pas ici. Ici, Michaël ne bougeait pas. Pas encore. Le choc n’était pas passé. El ne savait même pas si el voulait qu’il passe.

« Archange », avait dit Camaël.

« Lucifer », avait proclamé Phosphoros.

Et maintenant… tout était différent. Irrémédiablement. Ses paumes brûlaient encore des sept noms. Ses cellules vibraient d’une puissance nouvelle, comme si chaque mot prononcé, chaque rune révélée, s’était gravée dans son être. El sentait sa peau plus dense, son souffle plus long. Son halo s'était transformé en une couronne lente de flammes et d'éclats. Michael ne se reconnaissait plus tout à fait. Mais… el ne voulait pas revenir en arrière. Phosphoros apparut dans le halo de sa conscience, une présence chaude, stable. Presque complice.

— Alors, mon petit roi incandescent… On fait le fier ?

Michaël ne sourit pas. El ferma les yeux, appuya son front contre la paroi tiède de la baie.

— Tu es content, hein ?

— Extrêmement. Maintenant que tu es devenu encore plus puissant, on va pouvoir régner !

— Ce n’est pas ce que je voulais.

— Non. Tu voulais sauver les gens. Et regarde : tu le peux désormais.

Un silence, puis Michaël souffla :

— Tu détruirais tout ?

— Je nettoierai.

— Tu purifierais tout…

— Je libérerai. Il faut que tu ouvres les yeux, Michaël. Cette société élohienne est sclérosée. Les nobl’ailes enfermés. Les hérésies légion. Les âmes sacrifiées au nom d’un ordre pourrissant. Je ne suis pas là pour maintenir ce statut-quo.

Michaël serra les poings. El avait déjà ressenti tout cela. Cette raideur du système. Ce prix inégal payé par les faibles. Mais maintenant que Phosphoros le disait, tout semblait plus clair.

— Il faut changer les règles, murmura-t-el.

— Oui. Pas les brûler par pur caprice. Les réécrire, pas à pas, par le feu.

— Tu comptes m’utiliser à cette fin ?

Phosphoros resta silencieux un instant, puis répondit :

— Je ne suis pas ton maître. Mais ton feu. Ton flambeau. Je brûle à travers toi, parce que tu as la force de me porter. Tu peux me refuser, Michaël, mais sans moi… tu perdras le monde que tu veux sauver.

Et Michaël sut que c’était vrai. El hocha doucement la tête. El ne voulait pas dominer. El voulait faire mieux. Construire quelque chose de juste. Et peut-être que pour cela, porter un dieu brûlant en soi était le prix à payer.

— J’espère juste… que personne ne viendra me mettre des bâtons dans les ailes.

— Els essaieront, dit Phosphoros. Mais au pire, on les brûlera tous.

Le souffle de Phosphoros venait à peine de s’estomper, comme une braise encore rouge au creux de sa conscience, que la porte des appartements de Michaël s’ouvrit doucement. Une silhouette haute et voilée entra sans attendre d’invitation.

Michaël Fitzarch, salua-t-elle d’une voix pleine, vibrante d’autorité. Ou devrais-je dire… Archange Michaël, désormais.

C’était Perséphonia, grande matriarche de la Cour de Camaël. Son halo tissé d’or ancien éclaboussait la pièce d’une lumière mordorée. Ses longues ailes étaient repliées avec une grâce martiale, et sa tunique de perles sombres bruissait à chaque pas.

Michaël se redressa, surpris.

Perséphonia ? Que puis-je…

Je viens au nom de la stabilité du royaume.

— … Hein ?

L’azoha s’approcha du balcon et jeta un regard sur Madim, comme pour s’assurer que le monde était encore en ordre.

Tu es un archange désormais, Michaël. Et tu portes en toi une lignée rare, pure, descendante du Grand Architecte. Il est donc temps.

Temps pour… ?

Perséphonia se tourna vers Michael, leurs regards d’acier s’affrontèrent.

De te marier.

Michaël resta figé. Puis, d’un ton incrédule :

Pardon ?

Il faut asseoir ton autorité. Il faut fonder une postérité. C’est ce que font tous les archanges. Tu vas épouser six azohim.

Six ?! s’étrangla Michaël.

Une pour chaque jour de la semaine. Et un jour de repos, ou de faveur accordée à celle que tu préféreras. C’est la coutume, Michaël. Tu n’es plus une simple vertu. Tu es un pilier du royaume. Tu dois engendrer des générations puissantes, disciplinées, bénies par ta graine, avec des azohim.

Michaël blêmit légèrement.

Une seule ne suffirait-elle pas… ?

Une seule ? répéta Perséphonia, choquée. Mais tu n’as pas idée du taux de mortalité en temps de guerre, des besoins en forces nouvelles ! Nos armées réclament du sang fort, des gênes illustres. Une seule azohim, ce serait un affront à ta mission. Non. Tu commenceras avec six. Et à mesure qu’elles tomberont enceintes, elles seront mises en retraite provisoire, et remplacées par d’autres. Ton harem grandira, comme il se doit.

Michaël se détourna, accablé. Perséphonia fronça les sourcils.

Tu fais cette tête… C’est bizarre… D’habitude les jeunes élohim comme toi sont pressés de s’unir à des azohim. Dis-moi, est-ce que tu serais exclusivement… élosexuel ?

Le mot claqua dans la pièce. Michaël resta figé. Son regard se perdit dans la nuit volcanique d’Olympus.

Je… Ce n’est pas la question. Je…

Perséphonia pencha la tête, curieuse.

Cela expliquerait beaucoup de choses. Mais ce n’est pas un problème, tant que tu remplis ton devoir sacré. Le plaisir est secondaire. L’important, c’est d’accomplir ton devoir. De servir ainsi le Grand Dessein.

Je vais avoir besoin d’un peu de temps, finit par dire Michaël, la voix ravalée.

Bien entendu. Tu as deux jours. Après quoi, je t’emmènerai rencontrer les candidates. Tu pourras les sélectionner toi-même. Mais elles seront là. Et elles attendront que tu les honores. Au nom du Grand Architecte. Au nom d’EL.

Et sans plus un mot, Perséphonia se retira.

Le silence retomba alors que Michael, estomaqué, digérait la conversation. Dans le fond de sa conscience, Phosphoros soupira doucement.

Alors, six épouses… Voilà qui va être amusant.

Michaël ne répondit pas. Puis, trois coups feutrés résonnèrent à la porte.

Michaël ? C’est moi.

C’était Léoniel. Michaël alla lui ouvrir. La puissance avait détaché ses cheveux, et son manteau d’apparat flottait souplement derrière el. El entra, observa un instant le halo comprimé de Michaël, puis haussa un sourcil.

On dirait que tu viens d’avaler du sang d’Adam pur.

Presque, soupira Michaël. Perséphonia vient de passer.

Ah. Elle t’a parlé des mariages, je parie.

Je n’ai même pas eu le temps de dire bonjour ! Elle a débarqué et a décrété que j’allais prendre six épouses, comme si j’étais le centre d’un programme d’élevage.

Léoniel éclata de rire, puis alla s’asseoir sur l’accoudoir d’un fauteuil.

Ce n’est pas si terrible, tu sais. Le mariage. Moi aussi je suis marié. Je vois mes épouses cinq minutes par jour, et elles sont ravies. On échange des bénédictions, un baiser sur le front, et basta. Tout le monde est content.

Je sais, fit Michaël avec une moue.

Léoniel pencha la tête, curieux.

Qu’est-ce qui te fait peur ? Tu n’as jamais connu d’azoha, c’est ça ?

Michaël rougit jusqu’aux cils. El détourna les yeux, le visage durci.

Non.

C’est curieux. Un prince comme toi… Tu n’es pas attiré par elles ?

Michaël resta silencieux. Léoniel attendit, sans forcer. Enfin, le Fitzarch souffla :

Ce n’est pas ça. C’est… je ne veux pas d’enfants.

Léoniel cligna des yeux, surpris.

Quoi ? Mais… pourquoi ?

Parce que je sais ce qui les attend. Dès leur naissance, els seront formatés, entraînés, envoyés sur le front. Comme nous tous. Comme ceux qu’on a vus mourir dans les Labyrinthes. Et je ne veux pas… je ne peux pas fabriquer des êtres vivants pour qu’els meurent à mon service.

Léoniel fronça les sourcils, visiblement choqué.

Mais… c’est notre devoir. Mourir sur le front, c’est ce qui donne un sens à notre existence. C’est ce que je suis, Michaël. Une puissance faite pour protéger. Je me suis fait à cette idée depuis mon premier cycle.

Et si je ne veux plus de cette idée ? rétorqua Michaël, la voix soudain vibrante. Et si je voulais changer ça ? Rompre la logique de la guerre perpétuelle, stopper ce cycle absurde ?

Léoniel le fixa, sans mot.

Je ne suis pas là pour faire grossir les rangs de l’armée, Léoniel. Je suis là pour changer quelque chose. Sinon, à quoi bon tout ce pouvoir ?

Un instant, els restèrent face à face, leur halo mêlé dans l’ombre.

Tu sais que tu parles comme un hérétique, murmura Léoniel.

Peut-être, répondit Michaël. Mais c’est ce que je ressens.

Léoniel hocha doucement la tête. Mais Michael vit un éclat inquiet dans ses yeux. D’un ton qui se voulait rassurant, Léoniel dit pourtant :

Bon, au moins maintenant tu n’es plus suicidaire…

Suicidaire ?! fit Michael.

Oui, ria Léoniel. Ta bravoure a toujours été telle que… Bref. Je suis content que tu te projettes sur le long terme au final.

Phosphoros et moi allons finir la guerre. Une bonne fois pour toutes.

Bon courage

Je suis sérieux, affirma Michaël, cette fois plus doucement.

El détourna le regard, observant le feu vaciller dans l'encensoir d’onyx suspendu au plafond, une braise vive.

On m’a toujours dit que la guerre était le rythme même de la Création. Que se battre, tomber, renaître, était notre devoir. Mais moi… j’y vois un cycle malade. Une machine qui tourne sur elle-même, broie les générations et n’accouche que de sang.

Léoniel l’écoutait, silencieux. El connaissait cette colère, ce feu sous les mots. El l’avait vu dans les yeux de milliers de jeunes recrues qui rêvaient d’héroïsme et ne comprenaient pas encore l’absurde brutalité du ciel de bataille. Mais chez Michaël, c’était autre chose. Ce n’était pas un rêve de grandeur. C’était une vision. Un appel.

Et comment comptes-tu faire ça ? murmura-t-el enfin. Arrêter la guerre ? Tu veux qu’on dépose les armes ? Qu’on pardonne aux démons ?

Je veux qu’on coupe la racine, répondit Michaël.

La racine ?

Ce qui les attire, ce qui les nourrit. Notre faiblesse. Notre incapacité à repousser nos limites.

Léoniel baissa les yeux. Son halo, un instant, vibra d’une lumière plus tendre.

Tu vas t’attirer des ennuis.

J’en ai déjà, ria Michaël. Regarde, je suis fiancé à six azohim et mon colocataire de conscience est un dieu vengeur.

Els rirent, un peu. Puis le silence retomba. Moins lourd. Plus complice.

Je t’aiderai, finit par dire Léoniel. Même si je dois me battre contre tout Guebourah.

Non, souffla Michaël. Tu ne dois pas te battre pour moi. Tu dois veiller à ce que je reste moi-même. Si jamais… si jamais je change trop…

Léoniel s’approcha, posa son front contre celui de Michaël.

Alors je te rappellerai qui tu es. Qui nous sommes.

La salle du gynécée s’étirait comme une nef, taillée dans la dentelle minérale d’un basalte rouge incrusté de veinules blanches. Le plafond, soutenu par des colonnes de pierre entortillées, luisait d’une lumière douce. Sur le sol en marbre poli, les halos enflammés des prêtres-séraphins glissaient comme des feux fantomatiques. Els entouraient la cérémonie comme des statues vivantes, silencieux, mais pleins de jugement.

Michael entra lentement, flanqué de Léoniel, le pas grave. Sa nouvelle tenue d’archange, une tunique ivoire à broderies or et rouge sombre, lui collait à la peau comme un manteau de responsabilités trop tôt cousu. Et déjà, dans l’ombre de la salle, Satanachia était là. Son aura rouge carmin dominait un trône de roche. El ne disait rien, mais son regard transperçait Michaël avec une acidité tranquille. El souriait. Comme si el venait d’écrire la scène à l’avance. Michaël serra les dents. El détestait cette impression.

Perséphonia, radieuse et sévère, apparut à l’autre extrémité de la salle. Sa coiffe noire s’étirait autour d’elle comme un manteau de velours, et d’un geste ample, el ouvrit une large porte. Une trentaine d’azohim entrèrent en file. Elles étaient toutes vêtues de longues robes blanches, diaphanes, les yeux baissés, leurs pas glissant sur le marbre comme un ballet d’ombres dociles. Leurs coiffes, timides et pastel, coloraient à peine la pièce.

Michaël fut saisi. Leur beauté était absolue. Chaque détail, la courbe d’un regard, la forme d’un cou, la disposition des ailes délicates dans leur dos, semblait forgé pour séduire. El sentit la mécanique de l'émerveillement s’emparer de son esprit. Mais derrière cette perfection… un malaise latent. Aucune n’osait lever les yeux. Aucune ne parlait. Perséphonia annonça :

— Archange Michaël, selon la tradition de la Cour, vous pouvez sélectionner six épouses. Une principale, une secondaire, et quatre consorts. Vous leur remettrez, de votre main, un bijou de promesse.

Devant el, sur un plateau d’obsidienne, six bijoux luisants reposaient. Tous différents, tous finement ouvragés, liés à un destin conjugal. Michaël s’approcha, mal à l’aise. El ne connaissait rien de ces azohim. El était censé choisir… uniquement selon leur apparence ? Leur posture ? Ce que leurs ailes murmuraient dans le silence ? El soupira intérieurement. Était-ce fait exprès ? Une manière d’éviter les influences politiques ? D’empêcher les harem d’être infiltrés par les ambitions ? Ou une manière de faire du mariage une loterie sacrée ?

Mauvaise farce, pensa-t-el. Mais el entra dans le jeu.

Un pas, deux pas. Michaël observa. Ici, une beauté d’ébène au regard liquide. Là, une blonde lunaire à l’aura bleutée. El désigna mentalement trois, puis quatre.

Mais soudain, un bruit de course légère résonna dans la nef. Une silhouette fendit la pénombre, un peu trop vite, un peu trop vivante.

— MARILKA ! tonna Perséphonia, outrée.

Une jeune azoha rousse, essoufflée, débarqua, sa robe en bataille, ses cheveux ondulant en flammes mal peignées. Sa coiffe, verte, tranchait avec les autres. Elle s’arrêta, penaude, mais souriante, les joues rouges de gêne.

— Pardon, j’étais… en train de prier.

Des murmures parcoururent la nef.

♂ — Faites-la sortir ! gronda Satanachia. L’impudente insulte la tradition.

Michaël tourna lentement la tête vers el, ses yeux se durcirent. Quelque chose s’enflamma dans son esprit. Il n’y avait peut-être aucune raison logique de la garder, mais justement, il en fallait une autre.

El avança.

— Je souhaite la garder, dit-el d’un ton calme mais inflexible.

— Ce n’est pas convenable, protesta Perséphonia, perturbée.

— C’est moi qui décide, rétorqua Michaël.

Perséphonia se mordit la langue. Satanachia fronça les sourcils. Léoniel, au fond, esquissa un sourire discret. Michael s’avança vers Marilka. Elle était encore un peu décoiffée. Mais ses yeux pétillaient d’intelligence, d’esprit, de vie.

Sans hésiter, Michaël lui tendit le bijou de l’épouse principale.

— Toi, murmura-t-el. Tu seras la première.

Marilka tendit les mains, ses doigts fins capturant le bijou comme une danseuse cueillerait un fruit défendu. Son sourire s’élargit, enjôleur, presque provocant. Michael sentit son cœur battre plus vite. Il y avait dans ce regard quelque chose de dangereux… et de terriblement vivant. El comprit trop tard que Marilka le savait.

Derrière, Perséphonia se raidit, ses ailes frémissant d’indignation contenue. Satanachia, el, masqua à peine son agacement. Son aura pulsa une fraction de seconde, rouge et venimeuse. Mais aucun des deux ne protesta. L’autorité de Michaël était désormais incontestable. El avait choisi. Et nul ne pouvait lui retirer ce droit.

Les autres azohim, toujours figées comme des statues, échangèrent des regards furtifs. Des frissons d’incertitude parcoururent leurs rangs. Certaines se redressèrent, d’autres baissèrent davantage les yeux. La sélection continuait.

Avec une sobriété mesurée, Michaël avança et remit les cinq autres bijoux, l’un à une blonde au regard triste, l’autre à une élancée à la peau de jais, puis encore à trois visages qu’el retint à peine. Mais c’était fait. Le rituel était accompli.

Perséphonia s’avança et, d’une voix solennelle et mécanique, proclama :

— Le choix a été fait. L’archange Michaël a désigné ses six épouses : Marilka, épouse principale ; Séphana, épouse secondaire ; Anahiel, Mereth, Solia et Vina, épouses consorts. Le mariage sera célébré dans deux jours. Que la volonté d’EL guide leur union.

Un dernier chant séraphique résonna dans la salle, puis les prêtres dispersèrent la foule. Les épaules de chacun retombèrent. Juste après, dans les couloirs cramoisis d’Olympus, Michaël marchait aux côtés de Léoniel, silencieux, la tête encore pleine de la cérémonie.

— Tu t’es fait avoir, déclara finalement Léoniel, moqueur.

— Hein ?

— Marilka. C’était évident. Son entrée théâtrale, son sourire, son audace. Elle a fait exprès de se faire remarquer. Elle t’a bien eu.

Michaël haussa les épaules, presque amusé.

— Peut-être. Mais j’aime ça, l’audace. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Choisir des ombres obéissantes ? Je préfère une compagne qui pense. Même si ça pique.

Léoniel grimaça, mais sourit à son tour.

— Tu sais qu’elle va te mener la vie dure, hein ?

— Très probablement, oui, dit Michaël.

Els éclatèrent d’un rire discret, perdu dans les couloirs labyrinthiques d’Olympus.

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