Chapitre 8

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Le passage s’ouvrit dans un grésillement discret, comme un soupir de métal ancien. Asmodée se faufila en premier, les ailes repliées contre son dos, le cœur battant à tout rompre. Derrière el, ses trois compères chérubins suivaient avec excitation, les yeux multiples ouverts sur toute la gamme du spectre, scannant les ondes, murmurant entre eux.

C’est quoi cet endroit ?... demanda l’un d’eux, intrigué.

Asmodée ne répondit pas. El avançait, comme attiré par une gravité invisible. La pièce qu’els découvrirent était vaste, circulaire, tapie sous des couches de silence et de poussière. Mais à mesure que leurs halos illuminaient les lieux, l’espace se révéla : une immense salle de machines, avec des arches dentelées et des colonnes bardées de runes éteintes. Et au centre… des forges.

Pas des ateliers classiques. Pas des bancs de réparation.

Des forges azohiennes. Faites pour concevoir des azohim.

Asmodée s’arrêta net.

Non… murmura-t-el, les yeux écarquillés.

Le feu sacré ne brillait plus, mais les structures étaient là : bassins de fusion cristalline, arches d’enceinte, réseaux de câbles faits pour canaliser la flamme séraphique, et au sol, des sillons en forme de spirales géométriques : les chemins de gestation.

C’est pas possible… souffla un autre chérubin. Ces machins-là, on les trouve dans les Nids, pas dans des bastions.

C’est bien une forge, hein ? chuchota le troisième. J’en ai vu une en stage à Hod. Mais jamais dans un bastion militaire…

Asmodée tremblait. Chaque fibre de son être résonnait. El s’avança vers le pupitre principal. Les interfaces étaient anciennes, mais el reconnut leur logique. C’était un logiciel de forge. Les mêmes protocoles de matrice. Les mêmes autorisations de fusion. El se connecta.

L’écran s’illumina. Des modèles d’azohim défilaient : “Valkyrie”, “Divine”, “Chamane”.

Des modèles différents ? Depuis quand il y a des modèles différents pour des azohim ? Elles ont toutes la même fonction donc…

C’est quoi ce délire ?

Mais Asmodée ne les écoutait plus. Quelque chose pleurait en el. Une douleur sourde, ancienne, inexplicable. Des larmes coulaient sur ses joues. El ne comprenait pas. Son âme vibrait, comme si quelque chose de fondamental venait d’être ébranlé.

Qu’est-ce qui t’arrive, Asmo ? rigola l’un de ses amis. Tu vas pas chialer devant des vieilles machines ?

Vous… vous comprenez pas, murmura Asmodée. Vous comprenez pas du tout.

Bah explique-nous, rigola un autre, gêné.

Je suis peut-être… sur la voie de ma promise, souffla Asmodée. Je…

El s’éloigna du terminal, comme en transe. Les pas le guidèrent vers une alcôve au fond de la salle. Là, el découvrit des cristaux aux formes inhabituelles : fins, tordus, spiralés, comme des embryons d’un autre monde. Des connecteurs archaïques, incompatibles avec les matrices modernes, les reliaient à une structure d’interface endormie.

Mais surtout, sur les murs, éclairées par les halos chérubins, se dévoilaient des fresques. Des fresques anciennes, peintes à même la roche vivante. On y voyait des azohim. Pas dans leurs gynécées, ou leurs sanctuaires. Pas enfermées. Mais libres, dans les rues, rêchant aux foules, dansant, soignant des élohim et des enfants. Chacune avait un rôle, une voix, une présence.

Une larme glissa encore sur la joue d’Asmodée.

C’est pas ça qu’on nous a appris, murmura-t-el.

Un bruit sec. Un sifflement. Puis le cri d’un chérubin.

Non… ! ASMO !

Des puissances surgissaient des ombres. En armure noire, silencieuses comme des fantômes, elles frappèrent sans un mot. L’un des chérubins s’écroula, son halo implosant dans un spasme. Un second tenta de s’envoler mais fut cloué au mur par une lame d’ombre. Le troisième hurla mentalement, ses yeux se brouillant de peur.

Asmodée hurla, cette fois de toutes ses forces, une onde mentale de détresse. Mais il n’y avait pas de renforts. Seulement une lueur, au fond de la salle. Un ancien téléporteur. Ab-Hashan.

El bondit, courut, traversa les câbles déchirés, les cristaux éteints. Derrière el, les pas des puissances résonnaient comme des tambours de jugement. El glissa, heurta le socle de la plateforme. Une rune clignota faiblement. Asmodée hurla à la machine de se réveiller, de fonctionner, de sauver.

La plateforme grésilla. Une lumière se leva, instable. Et juste avant que la lame ne l’atteigne, Asmodée disparut, dans un éclair blanc.

Michaël flotta dix jours durant dans les limbes brumeux de sa capsule. Hors du temps, hors de son corps. Une lumière orange brûlait derrière ses paupières fermées. Et toujours cette voix. Cette voix sans bouche, sans timbre, mais qui lacérait les strates de son esprit.

Trouve le noyau !

Des éclairs dans la nuit mentale frappèrent l’esprit de Michael. Des visions fulgurantes : un être de feu, androgyne, les cheveux en cascade incandescente, les yeux d’un bleu surnaturel. L’étrange adolescent tendait les bras vers el, nimbé d’une flamme qui ne consumait pas. Son regard transperçait les mensonges, les souvenirs, la peur. Derrière el, un halo colossal, fracturé, palpitait comme un soleil fou.

Je suis toi ! Et tu es moi ! Fouille ! Tu dois fouiller ! Cherche la vérité ! Cherche le noyau !

Phosphoros ?

Chaque syllabe de ce nom frappait Michaël comme un glas intérieur. El tentait de hurler, mais aucun son ne franchissait ses lèvres oniriques. L’être de feu s’éloignait. Son feu devenait labyrinthe. Son regard, l’étoile du matin.

Puis, après un silence à la fois instantané et éternel, Michael se réveilla. Immédiatement, el bondit hors de sa capsule.

Fitzarch, non ! cria une vertu infirmière, mais déjà el enfilait ses vêtements, réactivait son halo, se replaçait mentalement dans le Réseau.

Combien de temps j’ai dormi ? souffla-t-el en titubant.

Dix jours, répondit l’auxiliaire. Vous ne pouvez pas…

Mais Michaël ne l’écoutait plus. Dix jours. Dix jours d’absence. Dix jours dans un monde qui n’attendait pas. Dans la salle stratégique, le réseau EL bourdonnait d’ondes d’urgence. Des cristaux vibraient. Les cartes étaient criblées de signaux rouges. Michaël, encore fiévreux, prit appui sur la table noire.

Bastions 5 à 8 sous pression, annonça une voix sèche. Bastion 12 demande une réaffectation tactique.

Bastion 17 signale des brèches internes.

Michaël scanna rapidement les flux. Les défenses tenaient. Mais c’était une résistance d’usure. Les murs craquaient. Les soldats tombaient sans être remplacés.

El se redressa. Son aura crépita. El activa les communications.

Michaël Fitzarch, opérationnel. Je vais en première ligne.

Et el partit.

Les ténèbres hurlaient dans les gouffres. Michaël fendit les courants noirs, entouré de quelques puissances qui n’osaient pas trop l’approcher. El tissa son filet sur les unités isolées, stabilisa des corridors mentaux, bénit les lignes de front. El combattit, soigna. Sa lumière rouvrit les bastions. Le chaos reflua. Mais ce n’était pas une victoire. Le cœur de Michaël se serra. El comprit enfin. Els ne faisaient que tenir. Réagir. Combler les brèches. Résister. Rien n’était construit pour avancer. Aucun bastion n’était conçu pour l’assaut. Aucun plan n’envisageait autre chose que la survie. Et c’était inacceptable.

Ce n’est pas une guerre, murmura Michaël. C’est un siège.

Plus tard, assis à l’écart, les ailes repliées, Michaël observa les vertus blessées, les puissances haletantes, les armures fêlées. El songea au canon. Efficace. Radical. Mais el avait sombré dix jours pour un seul tir. Inacceptable. El se redressa.

Asmodée.

El le murmura d’abord, puis le cria. Où était donc le chérubin ? El partit le chercher. Il était temps de comprendre, de creuser, de changer les règles de cette guerre.

La salle des machines s’étendait comme un ossuaire sous la forteresse. Entre les arches noires et les tuyaux à moitié calcinés, la pénombre avalait les bruits. Michaël s’enfonçait dans les méandres mécaniques, ses pas résonnant faiblement contre les dalles froides. Son halo, réduit à une flamme pâle, dansait sur les parois métalliques comme une prière vacillante. Des engins dormaient là, massifs, hérissés de pointes, bardés de cristaux ternis, de glyphes morts et d’échos du passé. Une peur sourde l’enveloppait, celle de se retrouver seul au milieu de la technologie des anciens, abandonnée comme une carcasse d’animal mythique.

Léoniel ! appela-t-el dans un souffle, plus inquiet qu’el ne voulait l’admettre. Léoniel ?!

Un bruissement répondit, suivi d’une présence mentale. El pivota, haletant, prêt à se précipiter. Mais une main se posa fermement sur son torse.

Silence. La voix de Léoniel résonna dans son esprit, sèche et tendue. Pas de voix ici. Que la pensée.

Michaël hocha la tête, le souffle court. El reconnut enfin la silhouette familière, accroupie à l’ombre d’un exo-cocon de réinitialisation. Léoniel s’était camouflé dans l’ombre, ses ailes rabattues, ses yeux parcourant les hauteurs de la salle comme s’el redoutait d’être vu.

Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Michaël, le lien mental vibrant d’inquiétude.

Asmodée a disparu.

Un blanc. L’information mit un instant à atteindre les cœurs du Fitzarch.

Quoi ?! Comment ça disparu ? Depuis quand ?

Trois jours. Peut-être quatre. J’ai fait le tour de la salle, fouillé les conduits d’entretien, vérifié les accès sécurisés. Rien.

Michaël chancela légèrement.

Et ses… ses collègues chérubins ?

Disparus aussi.

El s’approcha d’un pupitre brisé, les doigts effleurant la console morte comme pour s’y raccrocher.

Pourquoi tu m’as pas prévenu avant ?

Tu dormais. Et je pensais qu’el avait juste trouvé une piste, une machine, quelque chose… Mais maintenant je suis sûr que ce n’est pas normal.

Tu en as parlé à Nariel ?

Oui. Mais el s’en fout. El a haussé les épaules et m’a dit qu’Asmodée avait probablement déserté.

Michaël grimaça.

Asmodée ? Déserter ? C’est absurde.

Il a rien dit de particulier avant de disparaître ? Un indice ? Une idée ?

Léoniel secoua la tête.

Non. Juste qu’el voulait “comprendre ce qui se cache au fond de ces machines.” Mais ça el le dit depuis qu’on est arrivés ici…

Un long silence passa entre eux.

Il faut aller voir Nariel, décida Michaël.

El redressa les épaules, son halo se renforça. L’étau de la peur se mua en détermination. Si Asmodée avait trouvé quelque chose, alors Nariel savait. El devait lui parler. Maintenant.

Nariel était penché sur une carte vibratoire des bastions, ses doigts effleurant les lignes rouges qui traçaient les flux énergétiques. Un murmure discret, un sifflement à peine perceptible dans le halo du silence… puis les portes de son bureau s’ouvrirent à la volée.

Michaël entra, les ailes frémissantes, le halo vibrant d’une colère froide.

Où est Asmodée ? tonna-t-el sans préambule.

Nariel releva lentement les yeux. Sa silhouette, dressée dans l’ombre pourpre de son sanctuaire, ne bougea pas.

Michaël, dit-el d’une voix lasse. Je vous prierais de ne pas utiliser ce ton avec moi.

Répondez, insista le Fitzarch. El a disparu. Vous le savez. Où est-el ?

Un silence.

Probablement mort, finit par dire Nariel, laconique. Ces machines que vous adorez tant… certaines sont capricieuses. Instables. Je vous avais prévenu de leur dangerosité.

Et ses trois camarades ? Vous allez me dire qu’ils se sont eux aussi fait vaporiser par accident ?

Ce ne serait pas la première fois qu’un groupe entier paie le prix de sa curiosité.

Michaël fit un pas en avant, le regard chargé d’un feu qu’el avait rarement laissé paraître. Sa voix se fit plus tranchante :

Non. Ce n’est pas un accident. Je les connais. Ce sont des geeks, pas des idiots. J’ai vérifié leurs journaux. Il n’y a rien. Aucune trace d’une prise de risques.

Nariel ferma les yeux une fraction de seconde. Lorsqu’el les rouvrit, sa voix était plus basse, plus dure.

Vous vous égarez, Fitzarch. Retournez faire ce pour quoi vous êtes venu ici : guider les renforts. Laissez les morts à leur sort.

Tant que je n’aurai pas vu de corps, je n’en croirai rien, siffla Michaël. Et si vous pensez pouvoir me dissuader…

Nariel le coupa, net. Sa silhouette s’assombrit légèrement, et ses ailes, repliées jusqu’alors, se détendirent avec lenteur. Ses mots tombèrent comme une lame froide :

Si vous insistez… vous risquez de disparaître, vous aussi.

Le silence dans la pièce devint absolu. Les cristaux encastrés dans les murs cessèrent de pulser. Michaël soutint le regard de Nariel, sans trembler. Puis el recula d’un pas. Le feu dans ses yeux ne faiblit pas, mais el comprit que la guerre avait changé de forme. Elle n’était plus seulement menée contre les ténèbres extérieures. El venait de trouver un nouveau ciel de bataille : les secrets enfouis au sein même des bastions.

Sans un mot de plus, Michaël quitta la pièce. Après une course folle, el bondit dans la salle stratégique comme un éclair, sa tunique encore trempée de sueur, ses ailes hérissées de tension. El se jeta sur la console principale, ses mains s’activant sur les cristaux de commande. Le réseau EL frémit, se tordit, mais refusa de répondre. Un bourdonnement grave parcourut la pièce.

Connexion refusée, marmonna Michaël entre ses dents. Réseau saturé, zone non couverte… mais c’est pas possible, bon sang.

El tapa du poing sur la console, faisant clignoter les glyphes, sans résultat.

Bienvenue dans le plus profond trou noir de la Création, souffla une voix derrière el.

Léoniel entra à pas mesurés, l’air à la fois soucieux et agacé :

Tu vole à deux cents à l’heure chez Nariel sans prévenir personne. Bravo.

Je n’avais pas le temps pour des rituels diplomatiques, rétorqua Michaël en se retournant, haletant. J’ai besoin de contacter Madim. Il faut que je parle à Sparda.

T’es sérieux ? Tu comptes envoyer un texto dans un réseau EL saturé par un milliard de flux en détresse ? On n’est même pas reliés au reste du royaume. T’as oublié où on est ? Ici, c’est la périphérie oubliée.

Alors comment on fait, d’habitude ? souffla Michaël, tendu.

Léoniel grimaça et répondit d’une voix sombre :

Le Sang d’Adam.

Michaël blêmit. El connaissait ce nom. El aurait préféré ne jamais avoir à en faire usage.

T’es sûr que…

C’est la seule manière d’envoyer un appel vers Madim. Ou plus loin. Suis-moi.

Els marchèrent en silence dans les tunnels inférieurs de la forteresse. Le sol devenait humide, les murs suintaient une moiteur poisseuse. Enfin, Léoniel poussa une porte de basalte. Un souffle fétide s’échappa.

Le sanctuaire s’ouvrait dans les entrailles des canyons. Une cathédrale minérale, creusée dans la pierre vive. Au centre, une série de bassins, vastes et organiques, où tourbillonnaient des flots lourds, visqueux, carmin foncé.

Le Sang d’Adam, murmura Léoniel. C’est un reliquat de la chair divine, une interface organique primordiale. À travers lui, les plus anciens des élohim communiquaient, bien avant le Réseau EL. C’est sale. C’est ancien. Mais ça marche.

Michaël s’approcha. L’odeur était celle du fer, du vieux sang et des entrailles. Un vertige le saisit.

Je dois me plonger dedans ?

Léoniel hocha la tête. Michaël inspira profondément, ôta lentement son manteau, son harnais, ses ornements. Ne gardant que sa tunique de combat, el enjamba le bord du bassin.

Reste connecté à moi par la pensée, lui souffla Léoniel. Et surtout… ne te perds pas.

Michaël plongea. Le contact fut instantané. Le liquide s’agrippa à sa peau, à ses pensées, les tira vers le bas. Un cri intérieur, guttural, le traversa. El se sentit aspiré dans un autre monde.

Plus de lumière. Plus de table stratégique. Plus de repères.

Un réseau de chair et de nerfs s’étendait devant lui, palpitant dans l’obscurité. Chaque pulsation, chaque courant, portait des fragments de pensée, de mémoire, de douleurs anciennes. Des voix pleuraient, chantaient, hurlaient à travers lui. El nagea, coula, rampa dans ce fleuve maudit.

Et là, au loin… une masse. Un nœud de tension. Une anomalie dans le flux, comme un caillot vibrant d’énergie. Un nom se forma dans son esprit : Sparda.

Je t’ai trouvé, souffla Michaël dans ce labyrinthe de sang. Maintenant… réponds-moi.

Une silhouette colossale se matérialisa dans les tourbillons sanguins, comme un titan sculpté dans des éclats d’obsidienne et de chair. Deux ailes massives surgissaient de son dos, hérissées de pointes osseuses, et ses yeux luisaient d’un rouge terne, saturé de lassitude. Le sang battait autour de lui comme autour d’un cœur blessé.

Qui c’est qui vient me réveiller à cette putain d’heure ? grogna une voix gutturale, résonnant dans tout le réseau comme un écho arraché à la roche.

Michaël Fitzarch, répondit Michaël en inclinant mentalement la tête.

Michael ! HA ! Tu es toujours vivant ?!

Michael ignora la provocation.

Oui, je suis toujours vivant. Merci de m’avoir envoyé ici. Je suis enfin utile quelque part.

Le rire de Sparda tonna dans le réseau de sang.

J’ai besoin de votre aide, dit Michaël. C’est urgent.

La silhouette de Sparda se figea.

Qu’est-ce que tu veux, l’étoile filante ? Faut faire vite, j’suis pas ici pour papoter.

C’est au sujet d’Asmodée, dit Michaël. El a disparu.

Un court silence.

Asmodée ? Le p’tit de Camaël ?! …Ah, je savais qu’el allait s’attirer des emmerdes.

Sparda se frotta le crâne, créant une gerbe d’étincelles psychiques dans le fluide.

Raconte.

Michaël exposa tout, aussi clairement que possible : les hangars verrouillés, les machines anciennes, la réaction étrange de Nariel, les menaces à peine voilées, la disparition soudaine d’Asmodée et de ses compagnons.

Sparda soupira longuement.

Tch. J’aurais dû m’en douter. Ça pue Binah, ton histoire. Nariel fait partie de la Milice de la Mère. Ce sont des anciens. Très anciens. Des types de là-bas… qui veulent que certaines choses de l’Age d’Or qui a précédé la Seconde Brisure restent enterrées.

Quels genres de choses ? demanda Michaël. Vous êtes un vétéran de la Seconde Brisure. Vous devez savoir, non ?

Mais Sparda gronda plus fort encore, comme un volcan prêt à cracher.

J’sais ce qu’il faut savoir. Et ce que tu dois piger, c’est que les gars de Binah se battent pas pour les vivants. Els se battent pour le silence. Pour l’oubli.

Mais quel oubli ? Quel est ce secret ?!

Ce n’est pas à moi de te le dire, Fitzarch, coupa Sparda, abrupt. Mais si Asmodée a mis le doigt dessus… alors el est en danger. Et pas que lui. Tout Guebourah l’est. Bref, Asmodée est un prince du royaume, faut le retrouver.

Michaël resta un instant suspendu à ces mots. L’écho du sang pulsait autour de lui, lugubre, hypnotique. El pensa : Si Asmodée est si précieux, pourquoi l’avoir envoyé ici ? Et aussitôt, une autre pensée frappa : Et moi ? Pourquoi m’a-t-on laissé venir ici ? Pourquoi ma graine a-t-elle été risquée dans ce trou ? Mais il n’eut pas le temps de plonger dans ses doutes. Sparda l’empoigna mentalement, son aura pesant comme une montagne.

Écoute-moi, gamin. Tu portes l’étendard de Guebourah. Et là, un prince de notre lignée s’est volatilisé. C’est ton devoir de le retrouver.

Et si Nariel est impliqué ? murmura Michaël.

Sparda se redressa, droit comme un glaive de Jugement.

Si tu trouves une trace d’hérésie chez lui… tu l’élimines.

Le sang autour de Michaël devint brûlant, comme s’il venait d’absorber un ordre sacré.

C’est la Justice. Que la lumière te guide, Fitzarch.

Puis Sparda disparut. Le réseau sanguin se rétracta, pulsant encore de la dernière injonction. Michaël, le souffle coupé, remonta lentement à la surface du bassin. Lorsqu’el émergea, la lumière crue de la grotte lui fit mal aux yeux.

Léoniel l’attendait au bord du bassin.

Alors ?

Michaël, ruisselant de sang d’Adam, répondit d’une voix grave :

On va retrouver Asmodée. Et si Nariel cache quelque chose… je le découvrirai.

El se redressa, sa silhouette auréolée de brume rouge.

Je renonce à mon sang, sur ma route vers la Divinité

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